Les Réserves Marines :

Outil de protection ou principe de précaution ?

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La Nouvelle-Calédonie et son lagon sont considérés comme un des endroits les plus riches de la planète. En effet, la diversité des espèces dans le plus grand lagon du monde est exceptionnelle.

Ses écosystèmes sont pourtant menacés. C'est pourquoi de nombreuses réserves marines ont été crées. La Nouvelle-Calédonie possède le plus long récif barrière au monde, il est donc important de le protéger.

Récif de la pente externe de la passe de Dumbea

Nous avons décidé d'étudier les réserves mises en place sur le Territoire car il s'agit d'un système de protection très répandu dans le monde et présenté comme un moyen de lutte efficace contre la pêche excessive.

Une réserve marine est une zone considérée pour la richesse de ses écosystèmes, son caractère plus ou moins unique mais aussi pour sa vulnérabilité face aux pressions anthropiques. Cette zone à protéger est balisée par des croix de saint André et soumise à une attention particulière afin de conserver ses richesses.

 

Les aires marines protégées de Nouvelle-Calédonie

Les réserves marines de Nouvelle-Calédonie

La mise en place et fonctionnement d'une réserve : la réserve de Ouano

1. Création de la réserve

2. Délimitation de la zone à protéger

3. Création du point zéro : l'état de référence de la réserve

4. Annonce et communication de la mise en réserve

5. Surveillance et contrôle

6. La sensibilisation du public : l'étude de l'île aux Canards

Les réserves marines : un système de protection en attendant mieux ?

Les effets à l'intérieur des réserves

1. Effet sur la mortalité

2. Effet sur la biomasse, la densité et la taille

3. Effet sur la production d'oeufs et de larves par unité d'aire

Les effets à l'extérieur des réserves

1. L'effet débordement (spillover effect)

2. L'effet sur le recrutement

Discussion sur l'efficacité des réserves

Conclusion

 

les aires marines protegees de nouvelle-caledonie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ilot signal

Reserve de la Baie des Tortues (Cote Ouest)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Laurent wantiez

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Perroquet a bosse dans la passe de dumbea

 

 

 

 

 

croix de saint andre : balise qui signale entre autre la delimitation des zones marines protegees

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Logo de la Province Sud

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CIE

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Bernard, benevole du sentier sous marin de l'ile aux canards

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Les réserves marines de Nouvelle-Calédonie

 

Toutes les aires marines protégées en Nouvelle-Calédonie sont situées principalement en Province Sud. Elles couvrent une surface totale de 37 600 hectares soit 2 à 3 % de la surface du lagon.

(Cf. Carte des réserves marines de Nouvelle-Calédonie)

 

Il existe différents types de réserves marines :

- les réserves marines spéciales

- les réserves marines spéciales de faune

- les réserves marines intégrales

 

Tableau des réserves marines de Nouvelle-Calédonie

Type

Désignation

Surface (ha)

Réserves spéciales

Ilot Amédée
Grand Récif Aboré
Ilot Ténia
Ile aux Canards,Récif Ricaudy Pointe Kuendu
Epave du Humbolt
Ile Te Ndu
Ile Ngé
Ilot Maître
Ilot Bailly
Ilot Signal
Ilot Larégnère
Fausse passe de Uitoé
La Dieppoise

154
15 070
21,6
176
8,6
12,5
391
618
765
215
243
649
110
13

Parc du lagon de Bourail

Roche Percée et Baie des Tortues
Ile Verte
Poé
Ouano
120
84
2800

Réserves de la baie de Prony

Ilot Casy
Aiguille de Prony

145
12,5

Réserve Marine de Nékoro

1 260

Réserves spéciales de faune

Sèche Croissant

10

Ile aux Goélands

0,5

Réserve intégrale

Yves Merlet

17 200

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- les réserves marines spéciales :

• Il est interdit de pêcher, capturer, cueillir ou récolter tout animal (coraux, poissons, coquillages) ou minéral.

• On doit ramener ses déchets et ne pas dégrader la végétation fragile des îlots il est donc interdit de couper du bois.

• On doit surveiller ses chiens et ne pas les laisser s'attaquer aux oiseaux et aux reptiles (tortues, tricots rayés)

• Lors du mouillage, il faut utiliser de préférence les corps-morts installés ou mouiller dans des fonds de sable

• on peut également faire respecter ces contraintes aux plaisanciers non informés ou malveillants.

Epave de la Dieppoise au large de Nouméa

- les réseres marines spéciales de faune :

Elles ont pour but de protéger l'avifaune, à savoir, les oiseaux.

Dans ces réserves, le débarquement est interdit soit en permanence (Bancs de Sèche Croissant), soit en période de nidification ( novembre, février sur l'île aux Goélands)

 

- les réserves marines intégrales :

la réserve Yves Merlet

Toute entrée et autres formes d'activités sont interdites à tous les navires et autres embarcations.

La mise en place et le fonctionnement d'une réserve marine : La réserve de Ouano

Afin de mieux comprendre la création d'une réserve ainsi que son fonctionnement, nous avons suivi la mise en place d'une réserve à Ouano près de la Foa, sur la côte ouest de la Grande Terre.

Carte de la situation de Ouano

Cette réserve est unique car elle a la caractéristique d'aller depuis le bord de la plage jusqu'au récif. Ainsi nous avons suivi Laurent Wantiez et Soazig Le Mouellic du Laboratoire d'Etudes des Ressources Vivantes et de l'Environnement Marin (LERVEM) afin d'établir l'état de référence de la zone avant mise en place de la réserve.

Soazig Le Mouellic

Sur place nous avons rejoint l'équipage de l'Isabelle, bateau de surveillance du lagon de la Province Sud

(Cf. Expédition : « A bord de l'Isabelle ») .

L'Isabelle

La création de la réserve

Les raisons de création d'une réserve sont diverses :

Wharf de Ouano (quai de mise a l'eau)

•  protéger un habitat  : il s'agit de protéger un paysage sous-marin c'est à dire un écosystème entier. Pour cela une zone particulière est délimitée (îlot Larégnère).

•  protéger une espèce en interdisant la pêche ou de la chasse (tortue, dugong.) sur un périmètre particulier.

•  protéger une espèce en minimisant les agressions à un moment particulier de leur développement. En effet, les oiseaux qui viennent nicher sur l'îlot Sèche Croissant son protégés pendant cette période puisque l'accès à cet îlot est interdit de novembre à février.

 

Les réserves marines sont ressenties comme très positives auprès du public. Il peut arriver que les élus soient soucieux de leur développement.

 

Délimitation de la zone à protéger

Une fois la décision de création prise, il faut délimiter la réserve. Il faut, en effet, matérialiser cette réserve .

(Cf. Carte de la réserve de Ouano)

Pour cela une commission est créée. Elle regroupe :

•  la Marine Marchande

•  la Direction des Ressources Naturelles (DRN), service de la Province Sud

•  le Gouvernement de Nouvelle Calédonie

•  des scientifiques : LERVEM, IRD...

 

Ensemble, ils déterminent la zone à protéger.

En général, il y a un compromis selon les usages (tourisme, pêche.) mais aussi selon la sécurité en mer. En effet, la matérialisation du périmètre mis en réserve se fait à l'aide de balises dont les coordonnées géographiques seront diffusées par la suite. La position des balises est très réfléchie, puisque celles-ci ne seront pas allumées, il faut que leur position ne perturbe pas la circulation maritime.

 

Création du point zéro : l'état de référence de la réserve.

Afin de mieux appréhender l'effet de la réserve, les scientifiques effectuent ce que l'on appelle « le point zéro » de la réserve. Il s'agit d'évaluer la densité de poissons ainsi que la diversité du secteur. Ce fut la mission de Laurent Wantiez et de Soazig Le Mouellic à Ouano. Grâce à différentes méthodes, ils ont évalué la biodiversité de la future réserve.

La méthode du point fixe leur a permis d'estimer la quantité de poissons en différenciant ceux commerciaux et comestibles de ceux non commerciaux. Par cette méthode, l'observateur effectue le comptage à partir d'un emplacement déterminé en tournant autour de lui-même. Cette méthode présente l'avantage de pouvoir être conduite plus rapidement que les transects.

La méthode des transects était utilisée pour évaluer le substrat (corail, herbier) et le macrobenthos (oursins, concombres de mer.). Cette méthode consiste à compter les individus sur des lignes droites de 50 mètres et à 2 mètres de par et d'autre.

La même évaluation est effectuée dans une zone aux alentours de la zone en réserve afin d'avoir un panorama de la situation des écosystèmes au moment du point zéro.

 

Annonce, communication de la mise en réserve

Une fois la réserve créée le public est informé par des articles dans les journaux, des dépliants, des magazines et des guides. On retrouve ce genre d'informations plus particulièrement dans le calendrier des marées qui est obligatoire sur un bateau.

 

Surveillance, contrôle

La surveillance est assurée par la Province Sud. Celle-ci possède deux bateaux (l'Isabelle, l'Améré) et se dote d'un troisième. La Direction des Ressources Naturelles, service environnemental de la Province Sud, peut aussi louer des bateaux pour bénéficier de l'effet de surprise face aux contrevenants.

L'Améré : deuxieme bateau de surveillance des reserves marines de la Province Sud

 

A bord, des Agents de Police Judiciaire (APJ) constatent l'infraction et rédigent un rapport cosigné du contrevenant. L'affaire est ensuite traitée par le Procureur qui déterminera une peine allant de l'amende jusqu'à la saisie du bateau en cas de récidive.

Les « protecteurs du lagon » font des surveillances de 8 heures mais à heures non fixes. La surveillance peut même s'effectuer de nuit. Il faut noter toutefois que les contrôles nocturnes ne sont pas réguliers.

 

vfcdgr gdf

Equipage de l'Isabelle

Michel Blanc, ancien capitaine d'un des bateaux de la DRN, nous a aussi expliqué la difficulté d'intercepter les contrevenants la nuit. En effet, les personnes qui pêchent la nuit dans les réserves sont généralement des braconniers. Leur embarcation est donc souvent dépourvue d'immatriculation ou de signe distinctif pouvant servir de preuve aux agents. De plus, ils sont souvent armés d'un fusil de chasse, ce qui crée un climat d'insécurité pour les agents de surveillance qui eux, ne sont pas armés. Selon Michel Blanc, une solution pourrait être d'avoir la compagnie d'un gendarme à bord.

 

La sensibilisation du public, l'étude sur le sentier de l'île aux Canards

La sensibilisation du public à la réglementation des réserves est une partie importante. En Nouvelle Calédonie, cette tâche est assurée par le Centre d'Initiation à l'Environnement (CIE). En effet, cette association crée des programmes de sensibilisation, en particulier pour les jeunes dans les écoles.

De plus, il est à l'origine du sentier sous-marin de l'île aux Canards. Nous avons pu évaluer l'impact de cette sensibilisation sur cette île située prés de Nouméa.

(Cf. Expédition « Le périlleux sentier des bénévoles vers la sensibilisation »)

L'Ile aux Canards est une réserve marine. Le Centre d'Initiation à l'Environnement et la Province Sud ont mis en place un système d'information sur le fonctionnement de l'île et le respect des règles via des panneaux de sensibilisation et grâce à la présence des bénévoles. Afin d'étudier l'impact de cette sensibilisation à l'environnement, nous avons établi un questionnaire et interrogé, durant 7 jours, 81 visiteurs.

L'étude a été menée durant 10 jours : du 23 novembre 2004 au 2 décembre 2004. Mais en raison du mauvais temps nous n'avons pas ou peu pu interviewer les gens tous les jours. En effet, le mauvais temps faisait que, soit ils étaient trop peu nombreux, soit nous devions quitter l'île.

Céline et Séverine en mission à l'île aux Canards

Après analyse des données nous avons pu voir que : la quasi-totalité des interviewés prétend avoir vu les panneaux (84 %) et savoir que l'Ile aux Canards est une réserve (81 %). Cependant, aucune personne interrogée n'a été capable de redonner les 3 règles de base de protection du sentier sous-marin qui figurent sur un des panneaux (ne pas marcher sur le corail, ne pas donner à manger aux poissons, ne pas les déranger). Seulement 5 % ont formulé 2 de ces règles.

De plus, sur les 8 règles de protection des réserves marines que nous avons considérées à partir du calendrier des marées et des panneaux, les interviewés en ont formulées en moyenne 2.

Si 100 % des personnes interrogées admettent l'utilité du bénévole sur l'île, moins de la moitié (44 %) avait remarqué spontanément sa présence.

Les résultats ont également été analysés en fonction de l'origine du visiteur (Résidents, Métropolitains, Australiens ou Japonais). Les Australiens sont capables de citer plus de règles sur le fonctionnement des réserves que les autres.

La quasi-totalité des gens interrogés (91 %) se dit sensible à la protection de l'environnement. Cette sensibilité pourrait se traduire par un désir d'apprendre et de reconnaître puisque plus de la moitié est capable de citer 3 noms vernaculaires de poissons de l'île. Une même proportion dit s'informer activement sur l'environnement essentiellement via la télévision et les journaux.

Augmenter le nombre d'affiches et de panneaux a été une suggestion de la part de beaucoup de personnes.

Ainsi, le questionnaire de sensibilisation de l'Ile aux Canards nous a permis de tester le degré d'assimilation de l'information par les visiteurs et de sonder leur intérêt pour l'environnement.

Concernant les règles de l'Ile aux Canards et des autres réserves, les résultats semblent révéler un manque d'assimilation de l'information. Il serait intéressant de mettre davantage en évidence les panneaux d'information.

Depuis la fin de l'enquête, la Province Sud a ajouté un panneau fort intéressant sur le fonctionnement de la réserve de l'Ile aux Canards avec les interdits.

Il est à regretter que celui-ci ne soit pas visible depuis l'arrivée sur l'île.

Concernant les bénévoles de l'Ile aux Canards, il serait intéressant de signaler davantage leur présence et leurs rôles. Lors des sondages, beaucoup de personnes ont souligné l'utilité d'une communication de proximité qui pourrait être déjà relayée par les bénévoles.

Enfin, ces questionnaires nous ont permis d'ouvrir un débat avec les visiteurs qui nous ont donné leur vision de l'amélioration de l'information sur la protection de l'environnement. Les affichages et les reportages télévisions semblent être un bon moyen de faire passer l'information selon le public interrogé.

 

 

les reserves marines : un systeme de protection en attendant mieux ?

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Becs de canne ( Lethrinus nebulosus pres de l'epave de la dieppoise

 

 

 

Banc de poissons peroquets en fuite devant des predateurs (carangues ignobilis, requins...) dans la passe de dumbea

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Effets à l'intérieur des réserves :

 

Effets des réserves sur la mortalité

Plectropomus laevis (Loche saumonée)

Comme nous l'avons vu, la mise en place d'une réserve marine a pour première conséquence, l'interdiction de pêche dans la zone concernée.

Cette interdiction a pour effet de réduire la mortalité par pêche des espèces comestibles et commerciales dans la réserve à un taux significativement bas par rapport aux zones pêchées.

Mais les combats sont souvent de règle à l'intérieur des réserves. Ainsi lorsque la population d'une réserve croît, les rivalités augmentent entre espèces (compétition interspécifique) et même au sein d'une même espèce (compétition intraspécifique).

Ceci est à pondérer. En effet, si l'on prend, par exemple le cas de la réserve de Ouano où la population de loches saumonées (Epinephelus leopardus) a été décimée, il faudra une période de repeuplement avant que les rivalités apparaissent.

De plus, il est important de voir qu'aucune expérience n'a permis de mesurer la mortalité naturelle, à l'intérieur et en dehors d'une réserve, au cours du temps, à partir des données de densité, de biomasse et de taille moyenne des espèces. En effet, cela exigerait des méthodes de marquages ou de recensements destructifs, voire des méthodes de surveillance constante des combats entre les espèces.

Banc de carangues (Lutjanus) dans la passe de Dumbéa

 

MORTALITE GLOBALE = PECHE + COMPETITIONS

 

MORTALITE DANS LA RESERVE = COMPETITIONS

 

  • Soit la réserve est peu peuplée en l'espèce considérée

•  les compétitions sont faibles

•  la mortalité est faible

•  l'effet de la réserve sur la mortalité de l'espèce est important et visible.

  • Soit la réserve est bien peuplée en l'espèce considérée

•  les compétitions sont importantes

•  la mortalité est élevée

•  l'effet de la réserve sur la mortalité de l'espèce n'est pas très important et peu visible.

 

Effet sur la biomasse, la densité et la taille

Les effets des réserves marines admis par la communauté scientifique sont :

•  une augmentation de la densité. Ceci va avoir pour conséquence d'augmenter le nombre d'individus mais aussi le nombre de rivalités.

•  une augmentation de la biomasse

•  une augmentation du nombre de grands individus.

Ceci s'applique uniquement aux espèces commerciales et est dû à la diminution de la mortalité des espèces commerciales.

 

Effet des réserves sur la production d'oufs et de larves par unité d'aire

La fécondité des poissons coralliens dépend de leur biomasse ; plus celle-ci est importante et plus la fécondité sera importante.

Nous avons déjà vu que les réserves marines augmentent la densité, la taille des gros poissons et donc la biomasse. La présence d'une réserve marine va donc avoir pour effet d'augmenter la production d'oufs par unité d'aire. Pourtant certaines études montrent que la fécondité resterait la même mais que les poissons pondraient plus souvent.

 

Effet à l'extérieur des réserves :

 

Schéma des effets des réserves à l'extérieur de celles-ci

Source : Ewald Lieske, Robert Myers. "Coral reef fishes". 2001. 400p

Le Spillover effect ou l'effet débordement :

Lorsque la densité des poissons devient importante à l'intérieur des réserves, on remarque ce que l'on appelle le « spillover effect ». Il s'agit de l'export net des adultes depuis la réserve vers les zones non protégées. Cela comprend les poissons qui ont émigré depuis les réserves et ceux qui ont immigré vers les réserves.

Le spillover effect est donc un gradient de poissons qui ont tendance à sortir de la réserve sur quelques centaines de mètres.

Becs de cannes (Lethrinus nebulosus) dans le sentier sous marin de l'île aux Canards

 

Le spillover effect dépend de plusieurs paramètres :

•  l'espèce  : certaines espèces (becs de canne par exemple) sont attirées par la réserve pour diverses raisons (affluence des autres poissons, richesse du milieu, nourriture donnée par les touristes.). Elles vivent donc le plus clair de leur temps à l'intérieur de la réserve. Mais la nuit ces espèces se déplacent vers d'autres milieux plus favorables et qui sont généralement situés en dehors de la réserve.

 

Plectorhynchus lineatus (Castex à grosse lèvres) dans la passe de Dumbéa

 

De même si l'on prend l'exemple du récif Aboré au large de Nouméa : seule une partie du récif est en réserve. Or, les poissons se déplacent indépendemment des limites de la réserve. Ainsi, on peut observer tous les jours de nombreuses migrations qui entrent en jeu dans le spillover effect.

•  Du milieu mis en réserve : en effet, l'effet débordement, ne s'établit que lorsque le milieu est saturé en l'espèce considérée.

Si l'on prend l'exemple de la réserve de Ouano, où la densité de la population en loches saumonées est très faible il faudra d'abord que la densité augmente jusqu'à saturation du milieu avant de pouvoir observer un export net des adultes.

Par contre, dans le cas d'une réserve où les différentes populations de poissons sont relativement intactes (réserve dont les écosystèmes ne sont pas particulièrement menacés mais dont la richesse est à préserver) le milieu va rapidement saturer en différentes espèces. Le spillover effect s'instaurera donc rapidement.

 

L'effet sur le recrutement

Dans ce paragraphe nous définissons le recrutement comme l'apport de jeunes dans la réserve. Ces jeunes proviennent à la fois des oufs produits par les poissons déjà présents dans la réserve mais aussi de ceux produits à l'extérieur.

 

Deux cas se présentent :

•  soit le recrutement est limitant  : c'est à dire que le nombre de jeunes arrivant dans la réserve est inférieur à la capacité d'accueil de celle-ci.

Ce serait le cas par exemple d'une réserve créée aux Philippines où les espèces de poissons commerciales sont très impactées par la pêche et donc les populations sont décimées.

Dans ce type de réserve, pour des années à fort recrutement, il va y avoir un grand apport de jeunes dans la réserve. Celle-ci va donc voir sa population augmenter.

•  soit le recrutement n'est pas limitant  : la capacité d'accueil de la réserve est beaucoup moins importante que le nombre de jeunes arrivant dans celle-ci.

Ce serait le cas, par exemple, de certaines réserves en Nouvelle-Calédonie peu impactées par la pêche. Lors de forts recrutements (forts apports de jeunes) la réserve va avoir peu d'effet puisque déjà saturée en certaines espèces de poissons

On ne va donc pas observer un déplacement des jeunes présents dans les zones non protégées vers la zone protégée puisque le milieu est déjà saturé.

 

Mais ceci s'ajoute à ce que l'on appelle « l'effet d'île ». Il a été observé que les jeunes ont tendance à aller non pas vers les zones libres d'espace, où il y a moins de poissons mais plutôt vers les zones où la quantité de poissons va être importante. La réserve va donc attirer les jeunes présents aux alentours de la réserve et cela va donc avoir pour effet de désertifier les zones proches de la réserve.

Dans le cas d'un recrutement limitant, on pourra observer une relation entre le stock (la quantité de poisson dans la réserve) et le recrutement. A savoir que lorsque le recrutement est important, la quantité de poissons que l'on retrouvera dans la réserve augmentera.

Pour un recrutement non limitant, puisque la réserve est saturée (en l'espèce considérée), elle n'aura pas d'effet de désertification des zones alentours.

Si l' effet débordement vient s'ajouter (puisqu'il y a saturation), la réserve aura, dans ce cas, tendance à repeupler les zones non protégées aux alentours. Il est a noter que si le recrutement n'est pas limitant, on n'observe pas de relation entre le stock et le recrutement.

 

Discussion sur l'efficacité réelle des réserves

 

L'efficacité réelle des réserves est très controversée. En effet, même si la présence des réserves marines apparaît comme étant un bon outil de protection de l'environnement marin, il est rare de trouver des expériences scientifiques démontrant de façon non-équivoque ces bienfaits (augmentation de la densité, biomasse etc.).

Cela dépend aussi et surtout du but recherché : si la réserve a pour but de reconstituer un stock de poissons très faible, alors les effets seront généralement nets ; mais s'il s'agit de préserver un milieu peu impacté à la base, les effets ne seront pas forcément évidents.

Par ailleurs, il a été observé ce qui pourrait être des dérèglements dus à la réserve. En effet, celle ci apparaissant comme un refuge, des espèces qui n'auraient rien à faire dans cette zone s'y installeraient, perturbant l'équilibre écologique du site. Par exemple, certaines espèces de loches qui habituellement présentes sur la pente externe du récif auraient été retrouvées à l'intérieur du lagon sur des fonds sableux. Pourtant ceci est à nuancer avec le fait qu'aucune expérience ou donnée exploitable n'ont été établies pour le moment.

Requin citron d'environs 2,5m dans la réserve de l'îlot Laregniere semblant être attiré par la nourriture donnée par les plaisanciers ou par les poissons attirés.

 

De plus, la création de nouvelles réserves entraîne l'augmentation de l'effort de pêche sur les autres endroits non mis en réserve. Ainsi, les zones protégées pourraient entraîner indirectement un appauvrissement des zones non-protégées.

Tazard pêché près de Nouméa

 

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Conclusion

outil réel de protection ou principe de précaution en attendant mieux ???

Les réserves de Nouvelle-Calédonie semblent être des « poches » de fonds sous-marins permettant la sauvegarde du trésor que sont la faune et la flore de ce lagon.

Pourtant plusieurs problèmes se posent sur leur réelle efficacité suivant le but recherché (reconstitution de stock ou préservation). Entre la difficulté de surveiller ces réserves et donc de faire appliquer les règles, le respect de celles-ci par une population sensibilisée et la question d'une réelle efficacité de ce système, il est bien difficile d'avoir une opinion tranchée.

Les réserves marines pourraient donc être plus un principe de précaution en attendant la réelle preuve de leur efficacité ou pourquoi pas en attendant un meilleur système de protection.

Ce qui est sûr, c'est que la gestion des réserves déjà présentes en Nouvelle-Calédonie s'avère être un dur labeur qui oscille entre répression et sensibilisation. Tout ceci demande beaucoup de moyens humains et financiers. Certes, ces derniers, bien qu'importants, restent inférieurs à ceux nécessaires pour la mise en place d'outils de gestions (mise en place de quotas, prises maximales, taille minimale.pouvant être très efficaces mais nécessitant beaucoup de données et donc de nombreuses campagnes et d'études). Ainsi, les réserves apparaissent non pas comme un outil de gestion des stocks mais plus comme un principe de précaution.

Chaetodons dans la passe de Dumbéa


Il est donc intéressant de se demander comment ceci va évoluer dans le temps. En effet, un projet d'inscription du récif calédonien au Patrimoine Mondiale de l'UNESCO est en cours. Cette question est très controversée. Nous avons étudié la question dans le dossier « Le récif corallien de Nouvelle-Calédonie : la sauvegarde d'un trésor !"

 

Lien vers le poster "Les Réserves Marines de Nouvelle-Calédonie : Outil de protection ou principe de précaution ?"

poster 1

poster 2

Merci à tous ceux qui nous ont permis de réaliser ce dossier, en particulier :

Laurent Wantiez pour son aide trés préciseuse sur la partie scientifique des réserves, Claude Chauvet, Olivier Chateau (LERVEM, UNC) ; à Michel Blanc (DRN), à l'équipage de l'Isabelle et son capitaine Christophe Gosset en ce qui concerne la gestion des réserves marines.

 

Biblographie : Ewald Lieske, Robert Myers. "Coral reef fishes". 2001. 400p

 

 

Lexique

Densité : nombre de poissons par unité d'aire

Biomasse : poids de poisson par unité d'aire (kg de poissons / m²)

 


Séverine Rolland ~ mis à jour le 12 juin, 2005
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